La leçon Google

de | 6 septembre 2018

Difficile de se passer de Google en 2018. Il faut dire que leurs produits sont pour la plupart de très bonne qualité, que ce soit Gmail, Android, Youtube ou Google Map. Outre le fait d’être utiles, fiables et ergonomiques, ceux ci se payent le luxe d’être gratuits. Du moins sur le court terme, car dans une société capitaliste, l’addition finit toujours par arriver.

Le rouleau compresseur Google

Google a réussi à écraser la concurrence à de nombreuses reprises. Qui se souvient d’Alta Vista ou de Lycos ? Google a su évoluer, et même créer des tendances, l’entreprise a donc réussi en partant de rien à supplanter les acteurs existants, et pas seulement dans le domaine de la recherche et de la publicité. Apple, Microsoft et Blackberry ne diront pas le contraire, car mis à part Apple qui s’en sort toujours bien avec iOS, les autres OS mobile ont quasiment disparu de la surface de la planète. Il faut tout de même rappeler qu’ iOS était quasi en situation de monopole avant l’arrivée d’Android.

Dailymotion par exemple n’a jamais réussi à s’imposer face à Youtube, y compris à domicile. Même les sites institutionnels français préfèrent la plateforme américaine pour diffuser ses messages vidéos, à l’instar du site impots.gouv.fr.

J’ai bien connu à titre personnel le rouleau compresseur américain dans le domaine de la mesure d’audience. Je travaillais en effet dans une société spécialisée dans ce domaine, et j’ai vécu l’émergence de Google Analytics. Au début pas dangereux car limité en fonctionnalité, il s’est rapidement amélioré puis imposé, jusqu’à devenir un automatisme pour tout développeur de site internet. Comment lutter contre un géant qui possède une armée d’ingénieur parmi les meilleurs, un cash quasi infini et une notoriété mondiale ?

Est ce un problème si Google écrase la concurrence ?

En soit non. Déjà Google n’est pas invincible, peu de personne se souviennent de Knol, sensé tuer Wikipédia ou de Google Reader. Google+ est également un échec, et Facebook est sorti largement vainqueur de l’affrontement. Dans une société capitaliste, le meilleur est sensé gagner, et tirer vers le haut le reste des acteurs, jusqu’au jour où un nouvel acteur encore meilleur arrive à prendre sa place.

Le problème avec Google, c’est que sa position de leader est quasiment verrouillée, et il est très improbable qu’un nouvel arrivant puisse challenger le champion. Plusieurs raisons à cela:

  • La première est que Google a une trésorerie gigantesque et une capitalisation boursière que seuls les autres GAFA peuvent concurrencer (Apple étant toujours numéro 1).  Si un concurrent devient sérieux, Google peut l’acheter et l’absorber complètement. A l’instar d’un Facebook avec Instagram.
  • La seconde est que la trésorerie de Google lui permet de vendre ses services à perte, comme Amazon en son temps. Quand Google lance Google Analytics ou Google Maps, tout est gratuit ou presque (25 000 requêtes par jour pour Google Maps, ce qui est suffisant pour la plupart des services web). Difficile pour la concurrence, Mappy ou Michelin, de résister à du gratuit de très bonne qualité de surcroît.
  • Enfin la troisième raison, la plus bloquante, celle qui a valu des amendes records à Google (4.34 milliards d’euros dernièrement), est la synergie dans l’écosystème Google. Chaque produit Google utilise un autre produit Google et le boost. Android met en avant Google search, Chrome, Google Maps, Gmail, Youtube. Chrome met en avant Google search, Google search met en avant Google maps, Google Flights, le système d’avis Google, le comparateur de prix etc. Même des géants comme Yelp ou tripadvisor ont des sueurs froides à chaque mises à jour de Google. Kelkoo est passé de 475 millions d’euros de CA annuel à 40 millions suite à l’arrivée de Google Shopping. Autant dire que les comparateurs de vols ne se sentent pas sereins.

L’Europe essaye d’assommer Google en lui lançant un grain de poussière en pleine tête. Certes sur 100 milliards de CA, 4 milliards d’amende n’est pas anodin, mais combien Google a gagné en se supprimant toute concurrence ? Et surtout, que va t’il faire de son hégémonie ?

Le cas très révélateur Google Maps

Avec des millions de site internet implémentant Google Maps gratuitement (pour 99% d’entre eux), parler d’hégémonie est un euphémisme. Google a profité de cette absence de concurrence pour modifier ses prix de façon significative. Le nombre de requêtes gratuites passe de 25 000 par jour à 28 000 par mois, ce qui divise quasiment par 30 le nombre de requêtes gratuites. Google est allé plus loin en augmentant ses tarifs au delà de la limite gratuite de 1 400%, passant de 50 centimes par tranche de 1 000 à 7 dollars. Un site affichant 10 000 cartes par jour passe donc de 0 à 1 764 $ par mois. Et pour finir, Google a laissé très peu de temps aux sites pour s’adapter, en mode : Si tu n’es pas content voici la porte. Intelligent de sa part, le délai étant tellement court que de nombreux sites impactés n’auront pas vraiment le choix que de payer.

En résumé, Google fait ce qu’il veut. Il supprime la concurrence en sortant un produit gratuit de bonne qualité, mais il ne faut pas oublier que le passage en caisse finit toujours par arriver. Rien ne dit qu’un jour vous ne recevrez pas une petite alerte dans votre boite de messagerie Gmail : « Vous avez déjà lu 3 mails gratuitement aujourd’hui, pour débloquer les suivants, veuillez renseigner votre carte de crédit ». Bien entendu Google avec Google maps ne vise pas le particulier mais l’entreprise (ou l’institution, l’association etc.), du moins pour le moment. Quand on est seul on fait ce que l’on veut…

 

2 réflexions au sujet de « La leçon Google »

  1. Ken M

    Google (le moteur de recherche) domine parce qu’il est meilleur.
    Android domine parce qu’il est meilleur.
    Tout l’argent du monde n’a pas permis à Bing de s’installer comme moteur alternatif à Google.
    Tout l’argent du monde n’a pas permis à Windows Phone de s’installer comme alternative à l’iPhone ou à Android.
    Tout l’argent du monde n’a pas permis à Google+ de s’installer comme réseau social face à Facebook.
    Facebook s’est installé face à My Space (« first mover-advantage » ? eh bien non !)

    C’est le choix du client qui fait la différence au final même si des incitations financières comme la gratuité peuvent aider à faire ce choix.

    Relisez Marx, dans une société capitaliste, ce sont les moyens de production qui sont privatisés. D’ailleur, à la fin vous l’admettez : chacun est libre de venir concurrencer Google qui s’acharne pour en venir à bout.

    D’ailleurs, saviez-vous qu’ils n’avaient pas créé Android ? (c’est un rachat, Google Analytics aussi…)

    Voulez-vous vraiment un équivalent à Google dirigé par le public ? (il y en a qui ont essayé…)

    Maintenant que j’ai râlé, je trouve votre blog très intéressant. D’une part, parce qu’on a enfin quelqu’un qui tente de comprendre comment tout ceci fonctionne.
    Ensuite, parce que vous osez parler ouvertement de certains problèmes posés par Google plutôt que de faire des communiqués de presse.

    Pour finir, j’aimerais aussi un début de solution dans un essai intéressant comme le votre. Parce que moi, je n’en ai pas.

  2. Noemie D

    C’est la mode pour les entreprises internet américaines, on propose du gratuit , on attend les utilisateurs et quand ils sont assez nombreux on met de la pub ou on propose de nouvelles fonctionnalités payantes. Et comme les gens se sont habitué à utiliser ces services, ils ont du mal à changer. Mais avoir un seul moteur de recherche qui domine est une mauvaise chose. D’ailleurs je trouve que les résultats de recherche sur google sont de moins en moins bon, surtout quand on recherche des choses très précise.

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